Dans ce sixième épisode, l’agrobiologue globe-trotteur Ghislain « Gigi » Jutras parcourt 800 km pour aller à la rencontre de quatre fermes ayant pratiqué l’Agriculture soutenue par la communauté (ASC) de façon indépendante avant la création du Réseau des fermiers et fermières de famille en 1996. Ces précurseurs expliquent de quelle façon ils ont connu cette forme de mise en marché solidaire avant même qu’elle ne soit popularisée par Équiterre. En plus de leurs sources d’inspiration et de leurs motivations, on y apprend quels furent les impacts de l’arrivée du RFF pour ces fermes qui en constituèrent le noyau dans les premières années.
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EP5 | La clé des champs : Premier film sur l’ASC et le RFF
Dans ce cinquième épisode, Ghislain « Gigi » Jutras fait une découverte quasi archéologique! Il ramène à vos oreilles et vos yeux les toutes premières entrevues et images tournées au Québec sur le thème de l’Agriculture soutenue par la communauté (ASC). À travers ce court-métrage réalisé en 1996, vous découvrirez l’esprit qui régnait au sein de la collectivité ayant initiée le Réseau des fermiers et fermières de famille. Près de trois décennies plus tard, on peut constater que la formule a su s’adapter aux besoins actuels tout en préservant ses principes d’origine : bio, local et solidaire!
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Dans ce quatrième épisode, la parole est à Laure Waridel et Elizabeth Hunter, deux des six fondateur·rices d’ASEED (renommé Équiterre en 1998) qui ont participé de près à la réalisation du projet pilote d’ASC* en 1995 avec la Ferme Cadet-Roussel. Leur témoignage nous transporte dans l’ambiance de cette époque et nous rappelle les influences et les motivations à la base du Réseau des fermier·ères de famille. Voilà que tout était dans la semence d’ASEED : Action pour la solidarité, l’équité, l’environnement et le développement!
* ASC : Agriculture soutenue par la communauté
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Dans ce troisième épisode, vous irez à la rencontre des premier·ères maraîcher·ères du RFF, Jean et Madeleine Roussel de la ferme Cadet-Roussel en Montérégie. Vous y apprendrez par quel chemin ce couple mythique en est arrivé à tester la formule de l’ASC* en 1995 à la demande des jeunes fondateur·rices d’Équiterre (ASEED à ses débuts). En plus de sauver la ferme en difficulté financière, vous découvrirez en quoi ce projet pilote marque le point de départ d’une grande aventure collective!
* ASC : Agriculture soutenue par la communauté
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“J’ai un peu de machinerie, mais mon plus gros outil, c’est mon cahier de régie.”
Marc Bérubé
Dans ce troisième et dernier épisode audio, Marc Bérubé et Louise Gagnon font connaître les stratégies de production et de gestion qui leur ont permis de vivre du maraîchage bio sur petite surface dans un contexte pédo-climatique assez rude. Ils adressent également quelques messages à la relève agricole au terme de leur 50 ans de métier.
Crédits photos :Marc Bérubé, Evelyne Bellemare, Jérôme Maltais, Louis-Samuel Jacques et Ghislain Jutras
Ce balado accompagne le texte suivant qui rend hommage à l’oeuvre matérielle et humaine de Marc Bérubé et Louise Gagnon.
“La mini carotte, dans c’temps-là on mettait ça au compost. C’était de la perte!”
Marc Bérubé
Dans ce deuxième épisode audio, Marc Bérubé explique avec passion comment il a développé sur une période de 30 ans de solides relations avec les chefs de fine gastronomie de Charlevoix, Québec et Montréal. On y apprend aussi le nom de plantes peu banales qui ont fait sa renommée tel que le cerfeuil musqué, le shungiku et la ficoïde glaciale.
Ce balado accompagne le texte suivant qui rend hommage à Marc Bérubé et Louise Gagnon pour leurs 50 ans de vie agricole.
“On ne connaissait rien. Les livres que j’ai achetés valent plus cher que mon tracteur!”
Marc Bérubé
Dans ce premier épisode audio, découvrez le parcours de Louise et Marc depuis Montréal jusque dans Charlevoix, région d’adoption où le couple a autoconstruit une maison de rêve entourée de jardins bio en plein coeur des années 70. De simples novices, ces pionniers sont devenus de véritables mentors grâce à leur sens de la débrouillardise ainsi qu’une curiosité sans fin.
Ce balado accompagne le texte suivant qui rend hommage à Marc Bérubé et Louise Gagnon pour leurs 50 ans de vie agricole.
NOTE : Voici la version intégrale d’un texte dont une adaptation abrégée a été fièrement publiée dans le troisième numéro du magazineGrowers & Co intitulé “Un mouvement régénérateur”. À noter qu’une série d’entrevues audio inédites avec Marc et Louise accompagnent ce texte. Abonnez-vous gratuitement au site web de l’Odyssée Bio de Gigi pour en être informé.
Montréal, automne 1972. Sans attache, deux feuilles cordées se laissent par le vent porter. Virevoltantes de légèreté, elles se savent tomber, mais ignorent où conduira leur envolée. Cela ne les tourmente point. Elles sont ouvertes à tout, même aux conditions les plus extrêmes! Cinquante arpents de temps plus tard, ces orphelins urbains, Malbéens d’adoption à l’enracinement profond, auront été les premiers à faire la preuve qu’il est possible de rentabiliser une micro-ferme en sol québécois, et ce, à partir de rien. Plus encore, ils auront marqué à jamais les mémoires et les destins de chaque personne ayant gravité au sein de leur écosystème fait à la main, à l’image des forces naturelles ayant sculptées la magnificence du paysage charlevoisien.
Ces deux êtres d’une rare bienveillance, ce sont Marc Bérubé et Louise Gagnon de la Ferme des Monts, une entreprise bio spécialisée dans la culture de mini-légumes et autres petites trouvailles voués à de grands plats. Pour toute âme ayant la chance de traverser leur espace, l’expérience est vive et immersive. Voire initiatique.
Afin d’embrasser l’œuvre dans sa totalité, il faut vous mettre dans la peau de deux hippies à l’aube de la vingtaine qui dans un nuage de vapeurs révolutionnaires et hallucinogènes propres à cette époque quittent de plein gré la grand’ ville en direction des hauts pays. Depuis la plus peuplée des îles du Saint-Laurent, ajoutez 450 mètres de dénivelé et presqu’autant de bornes vers l’océan et vous voilà dressé sur un plan incliné à quatre degrés face au vent polaire, en plein cœur d’un carré de sable et de roches surmonté de fardoches dont les alentours ont été colonisés bien avant vous par la forêt hyperborée. Ici, la rudesse n’a d’égal que la beauté. Point de martyre, Sainte-Agnès, patronne des couples et des récoltes, priez pour nous!
Les poches plutôt vides, mais l’esprit rempli d’audace et de naïveté, vous tentez la vie à la campagne. Ça commence par le jardinage d’autosuffisance et de petits élevages. Il faut s’informer aux vieux du voisinage pour savoir comment planter les pétaques puisque votre bagage de connaissances est à l’inverse d’une curiosité immense. « Tiens donc, ça s’part pas d’la graine. Et puis, c’est quoi cette pourdre blanche? De l’engrais chimique. Ouin, ouin, on pourrait peut-être respecter une autre logique. La santé des sols d’abord, on oublie les têtes de mort. » C’est ainsi que vous devenez bio par accident puisque le terme ne court pas les rangs. Enfin presque. Il existe bien un ou deux barbus débordants de compétences qui se promènent de villes en villages pour faire la leçon. Un Langlais et un La France. Guy et Denis.
Autre besoin de base, se nicher. Puisqu’il n’est pas envisageable de rapiécer les treize pièces sur pièces qui peinent à vous garder au chaud, pourquoi ne pas s’autoconstruire? Après tout, il y a ben en masse de bois debout et de cailloux sur ces vingt hectares qui ne vous ont coûté que 5500 piasses. Les soirs et week-ends, parfois lors d’un bi entre amis, le chantier avance petit à petit. Le temps d’une paix poussent aussi deux petits : Olivier et Colombe. Au bout de six ans, la famille est faite et les murs sont drettes. Avec pas d’expérience, pas de plans et plusieurs autres pas, votre instinct créatif vous a guidé pas à pas au bourgeon apical d’une tourelle qui dès à présent surplombe telle une couronne ce royaume septentrional que vous admirez tant.
Small is beautiful. Oui, mais. Peut-on en vivre, quand tout ce qui est big se sont des idées hauts? Que peut-on espérer d’une arène granitique d’un hectare et demi où des griffes denses et rhizomateuses combattent à tout bout de champ la gravité qui menace de faire ruisseler votre sablier jusqu’au dernier denier? Le banquier, inutile d’y penser. Il n’y a que volonté et inventivité pour vous faire sillonner les parcelles du calendrier jusqu’à ce jour de 1989 qui marque une rencontre clé. Au printemps, chante l’engoulevent. Le jardinier consciencieux et allumé que vous êtes croise le fer de la pioche avec celui des fourchettes d’un mouvement croissant de citoyens branchés et conscientisés. Son représentant, Gérald, distributeur d’une coop d’aliments naturels. « – Je t’offre 25$ le 50 lb de carottes. – Ouin, ouin, c’est quatre fois le prix du coin! » En voyant vos trois poches prendre la route du retour à l’assiette, vous vous dites qu’il y a peut-être un revenu potable à tirer de votre potager écolomax de mille mètres carrés qui jusqu’ici nourrissait la cellule familiale et amicale.
Deux cycles de sarrasin et de seigle se succèdent et bientôt un amphithéâtre maraîcher s’érige sur les ruines de chiendent. Deux cents galons de jus de bibittes et de jus de bras s’écoulent et bientôt vous apercevez le paradis avant la fin de vos jours. Deux milles pages d’ouvrages, catalogues et registres défilent et bientôt vous avez viré une terre inculte et deux têtes vertes en une encyclopédie vivante dont la généreuse matière colorée est source de fécondité pour quiconque vient s’y restaurer.
Small is délicieux. Par l’entremise d’une vente de cassis au tournant des années 90, chef Bertrand s’informe si vous tenez des mini carottes dans vos rangs. Sans trop vouloir empiéter sur les platebandes d’un autre pionnier, vous acquiescez à la culture sur-mesure. En fait, la région d’un certain Jean Leblond regorge d’auberges qui détrônent choux-fleurs et brocolis au profit de mille et un produits. Au lieu de pâtir sous les pattes des poules au travers de la paille, c’est d’abord aux Trois Canards que vos légumes de petite taille se fraient un chemin vers les becs fins. Goutte à goutte, les premiers pas sont timides, mais une fois le circuit entamé, votre réputation circule dans les canaux de mise en marché avant même de vous creuser la terre. Le territoire s’agrandit, jusqu’aux restaurants de Québec qui s’imprègnent, que dis-je, qui s’empreignent de vos initiales. Du même angle se regarde jardin pentu et Clocher Pencher. Puis c’est la métropole in qui célèbre la chère de sa chère en faisant carillonner de cent coups sa batterie de cuisine. La boucle est bouclée.
De bouches en oreilles, de nez en palais, des yeux à la panse se propage une voluptueuse gamme d’arômes, pigments et textures. Le tout culmine en une truculente explosion de saveurs qui asperge tous les sens, c’est l’extase !!! Ficoïde glaciale, mini panais Kral, ail Belarus, shungiku, cerfeuil musqué, patates rates Corne de bélier, mini poireaux Val-aux-Vents, échalotes de Sainte-Anne, micro pommes de terre Amarosa, carottes boules Thumbelina, mâche Gala, mélisse de Moldavie, viola Ruby, orpin Voodoo, betteraves Mangel et Crapaudine, estragon Mexicain, mini tagète, fève filet Liverte, sarriette Midget. Deuxième mouvement : Centaurée, pourpier, moutarde, monarde, raifort, topinambours, tétragone, livèche, hémérocalles, ortie, oseille… AAAAlléluia! Dirigée par les chefs, la symphonie en sol majeur ne serait finie sans quelques brins de thym et de romarin. Vous méritez une ovation. Encore, encore, encore, s’exaltent les papilles en délire.
Revenons à quatre pattes sur le plancher de la diversité, nu-pieds dans l’humilité, car votre activité préférée, c’est de désherber avec le DBd-10D. Eh oui, du bout des dix doigts rien ne vous échappe. Votre péché mignon, c’est d’aimer ça propre, propre, propre. Pour y arriver, deux chaudières qui glissent, une qui récolte les pierres et l’autre les adventices. Bien sûr, vous n’êtes pas seul. Une énigme : Pour nettoyer, blaguer et philosopher au fil du rang qui passe, qui de mieux entre une colonie de vers gris avides de succulents semis ou une cohorte de stagiaires farcis de théorie? La solution : Ceux qui se métamorphosent en lucioles pour réduire les seconds en smoothie aux douze coups de minuit. Cela dit, en tant que mentor vous prenez grand soin de vos apprentis. Aucun sujet ni même une question ne reste en jachère. Tous s’émerveillent de votre capacité à transmettre le pouvoir-être et l’A-BCS du métier. Tout d’un coup, tout est possible. Patience, gratitude et encouragement sont les ingrédients de votre potion magique qui fait émerger la confiance en soi et rend invincible celui qui la boit. C’est la réjouissante conséquence d’une alchimie qui transmute des existences.
« Ce fût une expérience mémorable et décisive car c’est là que j’ai pris conscience que je voulais consacrer ma vie à une telle façon de jardiner, de faire le lien entre le sol et la table. Je suis sorti convaincu de vouloir suivre un chemin similaire, et m’inventer une pratique personnalisée. »
Ce témoignage, c’est la pointe d’un iceberg de gens qui ont été élevés par effet de levier. Courte échelle à grande échelle. La Ferme des Monts, comme autant de chefs, d’étudiants, de techniciens, d’agronomes, d’employés et de maraîchers dont les fiers sommets brillent dorénavant grâce à deux rayons éblouissants. Merci Marc aux grandes mains – et non Berthe au Grand Pied – de siffler le bonheur à toute heure au milieu de ton sourire moqueur. Merci Louise, force tranquille, de faire s’épanouir fleurs par bouquets sous des gestes doux et discrets. C’est extra cette paire qui joue de l’arc-en-ciel. C’est extra et for me, for me, formidable!
Remerciements : Cet hommage a été concocté à partir d’entretiens qui ont eu lieu entre 2000 et 2020 ainsi que d’une trentaine de témoignages de chefs, profs, stagiaires et employés de la Ferme des Monts. Toute ma reconnaissance à : Marc, Louise, Colombe, Olivier, Denis, Yvan, Arnaud, Dominic, Guillaume, Isabelle, Line, Arnaud, Patrice, Frédéric, Ève, Evelyne, Marie-Pierre, Véronique, Rock, Ann-Julie, Jeanne, Corinne, Catherine, Sophie, Colombe, Baptiste, Andréa, Vincent, Hadashah, Jean-Thomas, Jérémie, Dominic, Marjolaine et Benjamin.
Crédits photos :Marc Bérubé, Vincent Villemure, Evelyne Bellemare et Ghislain Jutras
À l’heure de la distanciation sociale, certains fermiers et fermières de famille remettent en question leur système de livraison des paniers sous forme libre-service ou mini-marché. La formule préassemblée apparaît alors comme une solution pour réduire les contacts. Elle génère néanmoins autant d’intérêt que de réserve. Entre autres, celle-ci soulève des préoccupations à propos de l’efficacité du travail et de la satisfaction des clients. Pour faire évoluer la réflexion, je vous livre cette entrevue auprès d’une entreprise qui fonctionne de la sorte depuis 28 ans, les Jardins Bio Campanipol.
Un service personnalisé depuis les premiers pas
Lorsque Robert St-Arnaud et Danielle Lefebvre se sont lancés dans l’aventure des paniers en 1992, une douzaine de foyers bénéficiaient des produits de leur grand jardin situé à Ste-Geneviève-de-Batiscan en Mauricie. Les livraisons se faisaient à Montréal puisque Robert y travaillait toujours. Il était aussi plus facile de trouver de nouveaux clients dans la métropole qu’en région à cette époque où personne ou presque n’avait entendu parler de ce mode de commercialisation. Rappelons qu’ils ont débuté trois ans avant l’établissement du Réseau des fermiers de famille (RFF) par Équiterre. L’inspiration de Robert lui était notamment venue des écrits du fermier biodynamique américain d’origine allemande, Trauger Groh (voir le livre « Farms of Tomorrow : Community Supported Farms – Farm Supported Communities » publié en 1990).
Au début dans les années 80
Une décennie plus tard
M. St-Arnaud dans les années 90
L’inspiration
La formule adoptée dès le départ fut celle des paniers prémontés. Par souci d’offrir un certain niveau de flexibilité, ils acceptaient de personnaliser les abonnements. De fil en aiguille, la production prit de l’ampleur si bien que 12 ans plus tard la ferme dépassait les 400 abonnés. Aujourd’hui, les Jardins Bio Campanipol en approvisionnent 475 pour une durée de 20 à 22 semaines, ce qui représente environ les 2/3 de leur chiffre d’affaire, la balance des ventes étant faite au kiosque de la ferme.
Ce qui m’a toujours étonné, voire intrigué, c’est qu’ils ont maintenu le mode de fonctionnement initial, à savoir le service de personnalisation. Comment est-ce possible de faire le tout de façon efficace pour des centaines de paniers préassemblés? Pour démystifier la chose, j’ai profité d’un arrêt chez Robert le 15 février dernier afin de réaliser une entrevue dont voici un extrait expliquant le système en place.
Au sujet de l’efficacité
Tel que spécifié par Robert, certains détails pointus lui échappent depuis que la relève est en poste. Sur les trois enfants qui se sont établis avec succès, c’est Florence qui mène les affaires commerciales. Avec un baccalauréat en administration – spécialisation marketing – de l’UQTR et un certificat en communication publique de l’Université Laval, on peut dire qu’elle est à sa place. Au début d’avril, j’ai pu recueillir auprès d’elle quelques propos pour compléter ceux de son père.
Tout d’abord, elle précise que ce sont 65% des abonnés qui se prévalent du service d’ajout-retrait en début de saison, au moment de leur inscription. Pour ce qui est des commandes additionnelles, on peut en compter entre 20 et 45 par semaine selon la période de l’année et les produits disponibles en surplus.
Le suivi des spécifications pour chaque panier se fait à l’aide d’étiquettes imprimées la veille de chaque livraison. Elles « sont générées automatiquement par [leur] système de gestion et indiquent le nom de l’abonné, ses ajouts/retraits, le format de son panier et son point de livraison. »
Quant au travail requis, Florence signale qu’ « au quotidien, le système d’ajouts-retraits impose une charge de gestion considérable. Non seulement ce système à proprement parler, mais aussi l’offre de produits supplémentaires que nous modulons sur une base hebdomadaire en fonction de nos récoltes. Évidemment, c’est un choix que nous avons fait de pouvoir offrir un tel niveau de personnalisation et de suivi de l’adhésion à Campanipol. Nous sommes donc actuellement à travailler sur une plateforme web qui permettra d’alléger notre charge de gestion, de rendre notre fonctionnement plus efficient en offrant à nos abonnés plus d’autonomie (moins de courriels/appels à traiter, plus d’automatisation) et de maximiser l’expérience-client. »
En termes de temps, la gestion des commandes nécessite autour de 3 à 4 heures par semaine. Du côté de la salle de montage, il en prend de 3 à 3,5 heures à deux personnes pour une séance de 140 à 160 paniers comprenant entre 10 et 13 items. S’ajoute un autre employé qui durant 1,5 heure prépare les factures, gère les commandes spéciales et organise le transport. S’en suit la livraison. Les 475 paniers sont destinés à 25 points de chute en Mauricie et à Québec.
Salle de préparation des paniers dans le nouvel entrepôt
Danielle en pleine séance d’assemblage
Outre le temps à la ferme, il faut prévoir plus d’espace pour l’assemblage des paniers, ce qui peut être un facteur limitant pour la mise en opération de cette façon de faire.
Ferme-école 2.0 du Cégep de Victoriaville (2015)
Le Vallon des Sources (Ripon, Outaouais; 2006)
Terra Sativa (St-Alban, Portneuf)
Satisfaction des deux côtés
Est-ce que toute la logistique entourant le système préassemblé-personnalisé en vaut la carotte? Pour l’entreprise qui poursuit dans cette voie depuis près de 30 ans, la réponse va de soi malgré le besoin de faire un nouveau bond d’efficacité dans la gestion des commandes. Autant Robert que Florence voient un avantage majeur dans le fait que cette formule permet de limiter les pertes du producteur puisqu’il y a certitude que tout ce qui sort de la ferme est vendu. Ce qui revient au bâtiment, ce sont des bacs vides, prêts à accueillir de nouveaux fruits et légumes.
Le contentement de la clientèle est-il à l’égal des gestionnaires de la ferme? Il semble bien que oui. Depuis plusieurs années, le taux de rétention tourne autour de 63% à 65%. Par comparaison, on observe le même chiffre à la ferme Aux Petits Oignons à Mont-Tremblant. Celle-ci fonctionne avec un système libre-service semi-dirigé qui dessert plusieurs centaines d’abonnés, plus précisément 700 selon les prévisions de 2020 (François Handfield, 10 avril 2020). Plus globalement, 65% correspond au taux moyen de réabonnement selon une étude réalisée par le ministère de l’agriculture auprès de 77 fermes (MAPAQ, 2013).
Mis à part le service de personnalisation, un autre élément qui contribue à la rétention consiste en de longues plages horaires aux points de chute. La plupart s’étalent de 16h00 à 19h00. En ce qui a trait aux raisons de non-retour, Florence évoque :
L’augmentation de l’offre qui permet aux ménages de « magasiner » leur fermier de famille ou d’opter pour des joueurs externes au RFF. Toutefois, « ils font un an ou deux, quittent pour un à trois ans, et reviennent souvent par la suite »;
La montée de l’agriculture urbaine, phénomène qui se traduit par l’abandon des paniers au profit du potager familial;
Le fait que des gens ne prennent pas toutes les informations avant de s’inscrire et découvrent en cours de route que la formule ne leur convient pas.
À noter que l’enjeu d’être contraint à s’alimenter en produits de saison est beaucoup moins important qu’à leurs débuts.
« La clientèle, dans sa grande majorité, connaît mieux la formule des paniers bio, est conscientisée à la réalité de la saisonnalité de la production québécoise et s’attend à manger local et de saison. »
Florence St-Arnaud, Les Jardins Bio Campanipol
Pour une entreprise maraîchère de cette envergure qui opère en circuit court, entretenir un lien étroit avec la clientèle demeure essentiel. Afin de répondre aux besoins de proximité et de connexion des abonnés avec leurs fermiers de famille, Florence publie à chaque lundi un article sur lewebfaisant état des dernières nouvelles de la ferme et du contenu approximatif du panier. À cela s’ajoute une page FaceBook, des échanges courriels ainsi que la « fameuse » journée de la fraise en juillet au cours de laquelle les convives peuvent faire de l’autocueillette, visiter la ferme et pique-niquer en bonne compagnie. Au moment du sondage de fin de saison, « les répondants sont unanimes à l’effet que la communication entre la ferme et les abonnés est suffisante, rapide et efficace. »
Je lève mon chapeau aux pionniers que sont Robert et Danielle ainsi qu’à leur relève, Florence, Charles et Félix, pour investir autant d’efforts dans un service de qualité. Cela a sûrement contribué à forger la remarquable réputation du Réseau des fermiers de famille.
Un nouveau bâtiment multifonctionnel (en rouge) s’est pointé en 2018 avec l’arrivée de la relève
Un monde de diversité
Quelle formule choisir pour quels clients? Selon les observations de Jean-Michel Plante, propriétaire de l’entreprise Ô Jardin de M. Plante, qui distribue plus de 800 paniers préassemblés dans 70 emplacements à Québec et Lévis, il y a trois types de clients : « Certains préfèrent les mini-marchés pour la proximité avec l’agriculteur et avoir un peu de choix. D’autres des sacs prémontés avec de longues heures […] et la rapidité pour [les] récupérer. Finalement, il y a aussi le client qui est habitué à la grande variété et disponibilité qu’offre les épiceries ou [d’autres alternatives] et pour qui le choix total est primordial quitte à encourager un modèle qui met beaucoup de pression sur les agriculteurs. » (St-Édouard-de-Lotbinière, 8 avril 2020)
Jean-Michel Plante lors du rallye bio des élèves de l’INAB
Si les besoins des locavores varient, ceux des maraîchers de proximité aussi. Dans cet univers de pluralité, chaque entreprise tente de trouver un équilibre entre ses préférences et celles de ses abonnés tout en s’inspirant des principes de l’agriculture soutenue par la communauté. Ceci donne lieu à une variété de formes de mise en marché qui permet de rejoindre une variété de consommateurs. En ce sens, mon expérience m’amène à croire qu’entre la formule préassemblée ou libre-service, ce qui importe c’est de trouver celle avec laquelle on se sent le plus à l’aise. Au final, on choisit sa clientèle et les clients, leur fermier de famille. J’ai même connu un couple qui passait en entrevue chacun de leurs abonnés potentiels durant une heure avant de les accepter ou non, mais ça c’est une autre histoire…
Groh, Trauger. 1990. Farms of tomorrow: Community Supported Farms – Farm Supported Communities. Bio-dynamic farming and gardening association inc. San Francisco, Californie.
Groh, Trauger et Steven McFadden. 1997. Farms of tomorrow – Revisited. Bio-dynamic farming and gardening association inc., San Francisco, Californie. 169 p.
MAPAQ. 2013. Guide technico-économique de démarrage de l’entreprise maraîchère commercialisant selon la formule de l’agriculture soutenue par la communauté. MAPAQ, Québec, Québec. 71 pp. [En ligne]. http://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/Publications/Guidetechnico-maraicher.pdf (Consulté le 4 avril 2020)
Crédit photographique: Ghislain Jutras, Les Jardins Bio Campanipol et Terra Sativa